L'histoire et les traversées du Mandragore 1
Départ d'Algéciras le vendredi 22 octobre 1982
Destination Dakar via Les Canaries
J'aborde cette nouvelle traversée avec énormément d'optimisme, sûr d'en avoir terminé avec les longues périodes de calmes de la Méditerranée.
La difficulté est de quitter le détroit.
On ne dispose que de quelques heures pour passer avant la renverse de courant. Pour un petit bateau, il faut du vent d'Est. Voilà deux jours que j'essaye de passer en tirant des bords contre un vent d'Ouest avant d'être immanquablement refoulé.
Et ma voilure de jonque et ses soit-disant difficultés au près n'y sont pour rien, je rencontrerai les mêmes difficultés l'année suivante en convoyant un autre Serpentaire, version standard, gréé Marconi et plus léger.
C'est donc le
DIMANCHE 24 OCTOBRE
que nous quittons Algéciras, par vent nul, le Mandragore à la remorque d' Anahita II, destination Tarifa, au milieu du détroit.
16h30 - Arrivée sans histoires après 6h de moteur.
LUNDI 25
Enfin, du Levante, ce vent d'Est tant attendu et qui n'a pas soufflé depuis un mois et demi.
10h - Départ
10h30 - Sortie du port, largué l'amarre de l'Anahita II,...... et manœuvres pour lui expédier son chat qui vient de pointer son minois sous la bulle.
Plein vent arrière à plus de 5 nœuds, un tel plaisir que je ne me résous pas à confier la barre au pilote.
16h30 - Au sud de Trafalgar. Le pilote barre....
22h - Perdu de vue l'Anahita, perdu de vue le phare du cap Trafalgar, mais beaucoup de pêcheurs.
MARDI 26
A fond vers l'Ouest.
Le MERCREDI et les jours suivants, le vent faiblira et la moyenne va s'en ressentir, mais il sera suffisant pour laisser travailler le pilote. On est encore loin des calmes de la Méditerranée ! Et même si je reste parfois encalminé, cela ne dure jamais bien longtemps.
VENDREDI 5
13°08' W - 31°04' N
Chute du baromètre en fin de journée. France Inter annonce une perturbation sur la zone. Je suis suffisamment loin de la côte pour rester serein.
SAMEDI 6
Un peu plus de force 8, c'est du moins mon impression, avec une mer très maniable. J'apprendrai plus tard qu'il fut enregistré force 11 à Madère au cours de cette tempête qui dévasta le sud de l'Espagne.
DIMANCHE 7
La chute barométrique s'est accélérée et la mer commence à devenir... inconfortable. Je fais cap au NW sous tourmentin et 2 panneaux.
LUNDI 8
Le vent s'est calmé dans la nuit, la mer aussi, et le baro remonte en flèche... c'est reparti !
La houle, très longue, est si haute que je ne peux saisir l'horizon pour faire le point.
MARDI 9
19h30 - Je suis encore à 40 milles de Las Palmas et trop loin pour apercevoir un quelconque phare, mais je distingue déjà très nettement le halo lumineux de la ville.
MERCREDI 10 NOVEMBRE
2h - Je ne suis plus qu'à quelques milles et je préfère mettre en panne pour atterrir de jour. Léger sommeil.
8h - Remis en route.
14h - Arrivée tranquille.
868 milles - 16 jours
2,3 noeuds de moyenne
Mardi 30 novembre 1982
Départ de Las Palmas
Départ vers 18h avec une tranquille petite brise.
Cette petite traversée a sans aucun doute été l'une des plus agréable, avec du vent E ou NE, jamais très fort, jamais trop faible.
Mais l'instabilité du bateau au portant met beaucoup trop le safran à contribution et la réparation effectuée à Algéciras n'était pas idéale... il se brisera la veille de l'arrivée. Simple incident qui freinera à peine le bateau.
DIMANCHE 12 DECEMBRE
Magnifique nuit avant l'arrivée. Un banc de dorades accompagne le Mandragore ; un subjuguant ballet de traînées phosphorescentes et je passe une partie de la nuit sur le balcon avant. Je guette aussi le feu du Cap Vert, la visibilité étant très faible tant l'air est chargé de sable.
3h - J'aperçois enfin le feu, aux jumelles, alors qu'il est à moins de 10 milles sur l' Est. J'ai failli passer devant Dakar sans le voir !
10h - Je mouille dans la baie au sud de Dakar, avec un bateau couvert de sable ocre.