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MARINE ANCIENNE

Les CUIRASSÉS

Cuirassé
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Pendant trois quarts de siècle, le cuirassé a été l'élément le plus important des flottes de combat. On le désignait en anglais par l'expression capital ship. Sans cesse perfectionné depuis sa création, plus grand, mieux armé, plus rapide, mieux protégé, équipé de moyens de détection, de transmission, de calcul des éléments de navigation et de tir de plus en plus sophistiqués, il est resté jusqu'à la guerre de 1939-1945 le roi de la mer, non seulement symbole mais preuve de la puissance navale du pays auquel il appartenait.
 

Cuirassé La Tortue
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Le précurseur : La Tortue


Le premier vrai cuirassé apparut en Corée à la fin du XVIe siècle. C'était une jonque à rames recouverte d'une carapace de plaques de fer (armées à l'extérieur de pointes et de lames pour décourager les tentatives d'abordage).
Nommée tortue, elle portait en éperon, à l'avant, une gueule béante en fer. Quand, en 1590, se précisa la menace d'une invasion japonaise, l'amiral coréen Yi Sun Sin en fit construire plusieurs (mesurant 21 m à la flottaison, 37 m hors tout) et les arma de canons qui tiraient par la gueule et par six ouvertures latérales.
Cuirassé La Tortue
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La Tortue
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Si minces que fussent les plaques, elles protégeaient des traits et des pierres et empêchaient les flèches garnies d'étoupe ou de poix enflammée de se piquer. Elles permettaient donc de s'approcher à très courte distance et d'ajouter à l'action de l'artillerie la projection, par la gueule, de soufre enflammé qui incendiait les jonques ennemies.

Le premier vrai cuirassé : la Gloire


En 1854, la France était engagée aux côtés de la Grande-Bretagne dans une guerre contre la Russie et le principal théâtre d'opérations était en Crimée. Comme il était nécessaire d'attaquer de solides fortifications, la France se décida à construire des batteries flottantes, mais recouvertes cette fois de plaques de métal que, désormais, les progrès de la technique permettaient de forger : c'était de grands chalands (1 600 t environ) revêtus de plaques de fer forgé de 12 cm d'épaisseur et portant quelques pièces de siège. En 1855, elles réduisirent, sans subir d'avaries des coups reçus pourtant à courte portée, les forts de Kinburn, à l'embouchure du Dniepr.
Cuirassé La Gloire
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Ce succès permit à Dupuy de Lôme, ingénieur français déjà célèbre, de faire adopter et de réaliser son projet de frégate cuirassée : la Gloire, lancée en 1859, avait la coque en bois d'un navire de ligne à vapeur de quatre-vingt-dix canons. Mais il en avait supprimé une batterie, ramenant son artillerie à soixante canons, pour compenser le poids d'une cuirasse composée de deux rangées de plaques de fer forgé, de 12 cm d'épaisseur au total, allant du niveau du pont jusqu'à 2 m en dessous de la ligne de flottaison, sur toute la longueur du navire.
Sa machine de 1 200 ch pouvait emmener ses 5 620 t à 13,5 nœuds. Cette unité mesurait 78 m de long, 17 m de large et avait 7,75 m de tirant d'eau. On construisit douze frégates de ce type ; la douzième, la Couronne, eut une coque en fer.
Le HMS Warrior
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Le HMS Warrior
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Les Anglais ripostèrent aussitôt en lançant, en 1861, le Warrior, une frégate cuirassée un peu plus grande (6 100 t), beaucoup plus fine (115 m de long pour 18 m de large), un peu plus rapide (14,5 nœuds pour 1 250 ch), portant trente-deux canons lisses. Mais elle n'était cuirassée que dans la partie centrale, l'avant et l'arrière restant sans protection.
 
Le Hoche
Agrandir La frégate cuirassée Océan

La période d'incertitude

Le cuirassé Captain
Le cuirassé Captain
Avec les progrès des canons, dont le calibre augmentait rapidement, on construisit surtout, alors, des cuirassés à réduit central, blindés sur l'avant, sur l'arrière et sur les flancs, puis à tourelles-barbettes (c'est-à-dire sans toit) équipées chacune d'un ou deux canons de gros calibre (250 à 280 mm) et posées sur le réduit. Ces poids, ajoutés dans les hauts à une mâture toujours importante, rendaient ces navires instables.
Un accident tragique, la perte corps et biens, en 1870, du plus évolué d'entre eux, le britannique Captain, chaviré dans le golfe de Gascogne, où il ne put supporter une tempête, mit fin à ces tentatives.
Popoffkas
Agrandir Popoffkas
Parmi les réalisations bizarres, il faut signaler la construction en Russie, en 1872, selon les plans de l'amiral Popov, de deux petits cuirassés (2 500 t) rigoureusement circulaires, d'un diamètre de 30 m, avec, au centre, une tourelle-barbette contenant deux canons de 280 mm ; on les surnomma Popoffkas.

La suppression de la voilure

Cuirassé Devastation
Agrandir La Devastation
Ce fut l'ingénieur anglais sir E. J. Reed qui relança le cuirassé en supprimant la voilure et en réduisant la mâture à un seul mât. Son prototype, la Devastation (10 500 t, 87 m de long), était armé de quatre canons de 305 mm, qui, pour la première fois, étaient montés dans deux tourelles fermées mobiles, recouvertes d'un blindage épais de 35 cm. La cuirasse de la coque variait de 20 à 30 centimètres. Les pièces en acier étaient les plus puissantes jamais réalisées.
Il dominait largement les Solférino et Magenta français, qui étaient (développement logique de la Gloire) des frégates cuirassées. Déplaçant 6 800 t, celles-ci avaient une machine de 1000 ch qui pouvait permettre une vitesse d'environ 13 nœuds, mais elles conservaient une voilure complète. Elles étaient armées de cinquante-deux pièces rayées de 160 mm, disposées en deux batteries superposées. Les flancs des batteries étaient cuirassés et on avait maintenu un blindage complet à la flottaison, ainsi qu'un éperon.
Cuirassé Richelieu
Agrandir Le Richelieu
Même la série des Richelieu (9000 t, canons de 152 mm, blindage de 220 mm) était largement dépassée. On remarque cependant que les pièces (de calibre moyen) de ces bâtiments français se chargeaient déjà par la culasse, alors que les grosses pièces montées en tourelles sur les bâtiments anglais ou autres, faute de place, continuaient à être chargées par la bouche, ce qui, évidemment, ralentissait énormément la cadence de tir.

Le Dandolo et le Duilio

C'est un ingénieur italien qui apporta une nouvelle amélioration. Benedetto Brin voulait monter des canons géants, donc très pesants, dans des tourelles couvrant un champ de tir aussi étendu que possible, la protection, très épaisse, étant concentrée presque uniquement autour de l'artillerie.
Le Dandolo
Agrandir Le Dandolo
C'est dans cette intention qu'il construisit, en I876, le Dandolo, armé de quatre canons de 380 mm (pesant 50 t chacun) répartis en deux tourelles disposées en diagonale. Ce navire, très réussi, déplaçait 11300 t ; long de 104 m, il avait un tirant d'eau de 8 m ; le blindage des tourelles atteignait 45 cm et celui du réduit cuirassé 55 cm.
Le Duilio devait être identique. Mais les Anglais ayant, entre-temps, mis en chantier l' lnflexible, de 12000 t, portant quatre canons de 407 mm de 80 t chacun, les Italiens modifièrent la commande de l'artillerie (d'ailleurs faite en Angleterre) et la portèrent à quatre pièces de 450 mm, pesant chacune 100 tonnes.

Cuirassé Amiral Baudin
Agrandir L'Amiral Baudin
La France, pour sa part, abandonna définitivement le type des cuirassés à batteries pour construire des cuirassés-citadelles, comportant essentiellement un réduit fortement blindé où les pièces moyennes étaient groupées autour des tourelles (trois canons de 240 mm en trois tourelles axiales sur le type Amiral Baudin). Ce réduit était porté par une coque munie d'une ceinture cuirassée relativement mince. Ses murailles étaient fortement inclinées vers l'intérieur, dans l'espoir de faire ricocher les projectiles. Mais ce rétrécissement des formes faisait que le navire, s'il était touché dans la partie non cuirassée et s'enfonçait un peu, devenait chavirable.
Ce défaut de stabilité n'était pas particulier aux cuirassés français et provoqua de nombreux drames. En 1878, le Grosser Kurfürst allemand, abordé par le Konig Wilhelm, chavira et coula en quelques minutes. En 1893, à la suite d'une erreur dans un ordre d'évolution, le Victoria, navire amiral de l'escadre anglaise de la Méditerranée, à la tête d'une ligne de file de quatre cuirassés, fut abordé à l'avant par le Camperdown, chef de file des quatre autres. Les deux bâtiments coulèrent en moins de quinze minutes, après avoir chaviré, avec la plus grande partie de leurs équipages.

Le type Royal Sovereign

Cependant, l'industrie avait fait des progrès. Les grandes puissances étaient en mesure de produire des blindages en acier beaucoup plus résistants que ceux en fer forgé, ce qui autorisait d'en réduire l'épaisseur, donc le poids.
D'autre part, la volée des canons en acier s'allongeait, ce qui permettait d'augmenter la vitesse initiale de l'obus et de réduire le calibre, tout en accroissant la portée.
Cuirassé type Royal Sovereign
Agrandir Type Royal Sovereign
Le Royal Sovereign anglais, construit par William White, fut le premier à profiter de ces progrès, et son nom servit à désigner les sept bâtiments de sa série. Déplaçant 14000 t, armés de quatre pièces de 340 mm en deux tourelles-barbettes, dix pièces de 152 mm en casemates ou munies de boucliers et quelques pièces à tir rapide pour se défendre contre les torpilleurs qui venaient de faire leur apparition, ils étaient protégés par une cuirasse d'acier épaisse de 46 cm au milieu et de 35 cm aux extrémités, et par un pont cuirassé. Un franc-bord bien plus élevé que celui de leurs prédécesseurs leur permettait de conserver, même par mer forte, leur stabilité et leur vitesse de 17 à 18 nœuds.
Le Dupuy-de-Lome
Agrandir Le Dupuy-de-Lome

Le croiseur cuirassé

Les Français, les premiers, imaginèrent ce type bâtard, que l'on considère maintenant comme une erreur, mais qui eut à l'origine beaucoup de succès (voir croiseur).

Les dreadnoughts

Cuirassé Dreadnought
Agrandir Le Dreadnought
Pour pouvoir régler le tir à grande distance, il est indispensable de tirer par salves et donc d'avoir assez de grosses pièces de même calibre.
Dans ce but, les Anglais mirent en construction le Dreadnought.
Ce type de navire n'avait plus d'artillerie moyenne, mais dix pièces de 305 mm en cinq tourelles doubles et vingt-sept canons de 76 mm à tir rapide contre les torpilleurs.
Quatre hélices, mues par des turbines, développaient 23 000 ch, donnant une vitesse de 21 nœuds pour un déplacement de 18 200 tonnes.
Sa cuirasse avait une épaisseur de 28 cm au milieu, 15 cm à l'avant, 10 cm à l'arrière.

Au bout de peu de temps, les différentes amirautés s'aperçurent que ce navire surclassait tous ceux qui avaient été construits avant ou en même temps que lui. La différence était telle qu'on divisa par la suite, dans toutes les marines du monde, les cuirassés en pré-dreadnoughts et en dreadnoughts.
Aussi les Anglais pensaient atteindre, en construisant quelques unités, une supériorité décisive sur les autres puissances navales et particulièrement sur l'Allemagne, l'estimant incapable de construire des navires équivalents, d'autant plus que le canal de Kiel était trop étroit pour leur donner le passage indispensable entre la Baltique et la mer du Nord.
Mais l'amiral von Tirpitz en jugea tout autrement : en 1906, il fit mettre en chantier deux dreadnoughts, le Nassau et le Wesifalen, déplaçant 18 500 t, armés de douze canons de 280 mm, pourvus d'une cuirasse de 29 cm au milieu, atteignant environ 21 nœuds. En même temps, il faisait élargir et approfondir le canal de Kiel, tâche énorme qui fut réalisée en huit ans.

Cuirassé Texas
Agrandir L'USS Texas
La Russie et l'Italie suivirent. Lancés en 1909, le Gangut russe déplaçait 23 400 t, le Dante Alighieri italien, 18400 tonnes. Tous deux filaient 23 nœuds et étaient armés de douze canons de 305 mm disposés en quatre tourelles triples axiales.
Les Etats-Unis construisirent d'abord des cuirassés analogues au Dreadnought, puis, continuant la course à la puissance, lancèrent en 1912 le Texas et le New York : 27 200 t, dix pièces de 356 mm, vingt et une de 127 mm, une vitesse de 21 nœuds. Les deux bâtiments avaient une apparence très particulière, étant pourvus de deux mâts en treillage d'acier.

Le croiseur de bataille

Dans la conception de tout navire de combat, il est nécessaire de faire un choix : il est impossible, en effet, de le doter à la fois de la plus puissante artillerie, de la plus épaisse cuirasse et de la plus grande vitesse.
Un premier choix, mettant l'accent sur l'artillerie et la cuirasse, a donné des dreadnoughts. Un second le mettra sur l'artillerie et la vitesse, laquelle devait permettre d'assurer la protection du navire avec une cuirasse moins importante.

Cuirassé l'Invincible
Agrandir L'Invincible
Les Anglais tentèrent l'un et l'autre. Dès 1907, ils lancèrent l'Invincible : déplaçant 17 500 t, il portait huit canons de 305 mm en quatre tourelles (deux axiales et deux latérales) ; sa cuirasse n'était épaisse, au milieu, que de 18 cm au lieu de 28 cm, mais ses turbines, développant 41 000 ch sur quatre hélices, lui donnaient une vitesse de 26,5 nœuds.
Deux autres unités du même type suivirent.
En 1912, continuant dans la même voie, ils construisirent le plus grand navire de guerre du monde, le Lion (29 400 t, 213 m de long, portant huit canons de 343 mm en quatre tourelles axiales) ; il était protégé par une ceinture cuirassée de 23 cm au milieu, diminuant jusqu'à 10 cm et laissant les extrémités sans protection. Ses turbines fournissant 70 000 ch aux quatre hélices, lui permettaient d'atteindre 28 nœuds.

Le Japon suivit, en 1913, avec ses quatre Kongo de 27700 t, armés de huit canons de 355 mm, filant 28 nœuds.
L'Allemagne commença par les Moltke (23000 t, 28 nœuds, armés de dix canons de 280 mm), puis passa au Derflinger (26 600 t, portant huit canons de 305 mm en tourelles doubles axiales, blindées à 30 cm au milieu ; la vitesse atteinte était de 26,5 nœuds).

Les cuirassés rapides

Le cuirassé Queen Elisabeth
Agrandir Le Queen Elizabeth
Les Anglais mirent au point ces navires en essayant de faire la synthèse des deux types précédents. Leur chef de file fut la Queen Elizabeth (1915). Déplaçant 33 000 t à pleine charge, ces unités portaient huit canons de 381 mm en quatre tourelles axiales ; ils étaient protégés par une ceinture cuirassée de 34 cm au milieu, s'amincissant aux extrémités. La suppression de la tourelle centrale avait permis de développer les machines. Des turbines de 75 000 ch, alimentées par des chaudières au mazout, leur donnaient une vitesse de 24 nœuds. Chacun avait coûté environ 2 400 000 livres.

Au cours de la guerre de 1914-1918

On tenta d'abord de les utiliser contre les fortifications terrestres pour forcer le passage du détroit des Dardanelles. Ce fut un échec : sur les quatorze cuirassés anglais et quatre français engagés, sept (dont deux français) furent sérieusement touchés par l'artillerie (deux durent être échoués) et un français et deux anglais furent coulés par des mines. La révélation du danger des mines et des torpilles de sous-marins amena les états-majors à garder leurs bâtiments de ligne à l'abri dans des rades protégées pour y jouer le rôle de flotte en puissance, prête à foncer pour un raid rapide ou pour intercepter une escadre ennemie.
En fait, il n'y eut qu'une seule grande bataille navale entre le gros des flottes anglaise et allemande : la bataille du Jutland (les Allemands disent du Skagerrak), le 31 mai 1916. Et encore le vrai combat n'eut lieu qu'entre les escadres de croiseurs de bataille. Il montra leur vulnérabilité (trois anglais furent coulés, deux allemands gravement endommagés). En ce qui concerne les cuirassés, l'amiral Scheer, qui n'avait que seize dreadnoughts contre vingt-huit anglais, rompit le contact dès qu'il le put en lançant ses torpilleurs à l'attaque.

L'entre-deux-guerres

La flotte de combat allemande avait disparu ; rendue à l'Angleterre à l'armistice, elle s'était ensuite sabordée à Scapa Flow, où elle était internée.
La Grande-Bretagne, la France et l'Italie étaient trop épuisées et leurs finances trop obérées pour entreprendre de nouvelles constructions, et même pour achever celles qu'elles avaient entreprises : la France abandonna sur cale les cinq Normandie de 25 000 t et l'Italie les quatre Cristoforo Colombo de 30 000 tonnes. Les Anglais achevèrent seulement le croiseur de bataille Hood, qui fut lancé en 1920 : il déplaçait 41 200 t, était armé de huit canons de 381 mm en quatre tourelles axiales et de douze canons de 140 mm ; grâce à ses 151 000 ch, il atteignait 32 nœuds.
L'augmentation du tonnage était due aux enseignements qu'on avait tirés de la guerre : on avait gonflé ses flancs, sous la flottaison, en ajoutant des compartiments vides à l'extérieur de la coque épaisse. Ces bulges, comme on les appelait, étaient destinés à faire exploser les torpilles avant qu'elles ne touchent la vraie coque, diminuant ainsi considérablement les dégâts qu'elles pouvaient causer. On lui avait également ajouté des canons (quatre de 102 mm) et des mitrailleuses anti-aériennes, la bombe d'avion étant devenue une réalité avec laquelle il fallait compter.

Le cuirassé Tennessee
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Les Etats-Unis, quant à eux, continuaient leur effort, sortant en 1919 les California et Tennessee de 32 000 t (armés de douze pièces de 356 mm en quatre tourelles triples) et, en 1921, les trois Colorado de 32 600 t (armés de huit pièces de 406 mm en quatre tourelles et munis de moteurs électriques de 30 000 ch qui leur donnaient une vitesse de 21 nœuds).
Le Japon les imitait avec les Nagato et Mutsu de 1920 : déplaçant 33 800 t, ces bâtiments portaient huit canons de 406 mm en quatre tourelles ; mus par des turbines de 60 000 ch, ils atteignaient 23 nœuds. Tous ces navires, pour se protéger des torpilles et des bombes, possédaient un cloisonnement étanche de plus en plus serré dans la tranche cellulaire comprise entre les deux ponts cuirassés.

La conférence de Washington

Cependant, les gouvernements s'alarmaient des sommes de plus en plus énormes que coûtaient des navires dont les dimensions augmentaient sans cesse.
C'est pourquoi la Grande-Bretagne, les Etats-Unis, le Japon, la France et l'Italie se réunirent à Washington et signèrent un traité naval qui, pour les grands bâtiments de combat (cuirassés et croiseurs de bataille), d'une part limitait le tonnage total que chacun de ces pays pourrait posséder : 525 000 t pour les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, 315 000 t pour le Japon, 175 000 t pour la France et l'Italie ; d'autre part fixait des caractéristiques maximales qu'il était interdit de dépasser, en particulier 35000 t pour le déplacement Washington (c'est-à-dire celui que le traité définissait) et 16 pouces (soit 406 mm) pour le calibre des canons. De plus, il fut décidé qu'aucun cuirassé ne pourrait être remplacé moins de vingt ans après sa construction et que sa refonte serait limitée à la défense contre avions et sous-marins.
Le HMS Nelson
Agrandir Le HMS Nelson
Les premiers navires construits selon ces nouvelles règles furent le Nelson et le Rodney anglais, déplaçant 35000 t. Leur armement comprenait neuf pièces de 406 mm en trois tourelles, toutes trois à l'avant, la seconde dominant les deux autres, ce qui leur donnait une silhouette très particulière, la tour-passerelle étant reportée vers l'arrière, au-delà du centre. Des turbines de 45 000 ch, actionnant deux hélices, permettaient une vitesse de 23,5 nœuds.

Les cuirassés de poche

Le Deutschland
Agrandir Le Deutschland
L'Allemagne n'avait pas été admise à la conférence de Washington, car elle était liée par le traité de Versailles qui lui interdisait de construire des navires de guerre d'un tonnage supérieur à 10 000 tonnes. Mais ses ingénieurs réussirent à réaliser, malgré ce tonnage limité, de vrais bâtiments de ligne, surnommés cuirassés de poche.
Le Deutschland de 1930 avait six canons de 280 mm en deux tourelles et filait 26 nœuds, ce qui lui permettait d'échapper aux cuirassés plus puissants.

Au cours de la guerre de 1939-1945

Au début de la guerre, les puissances maritimes estimaient encore que, malgré le danger toujours plus grand des torpilles et des bombes, les cuirassés, dotés d'une protection développée et d'une importante D.C.A. à côté de leurs grosses pièces, constituaient encore l'épine dorsale de leurs flottes, bien que, dès novembre 1940, l'attaque des avions torpilleurs anglais sur la rade de Tarente ait coulé un cuirassé italien et sévèrement endommagé deux autres.
En mars 1941, de nuit, au large du cap Matapan, trois cuirassés anglais pulvérisèrent en quelques minutes trois croiseurs italiens.
Cuirassé Bismarck
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Un peu plus tard, le cuirassé allemand Bismarck, partant pour un raid en Atlantique, rencontra dans le détroit de Danemark le Hood et le Prince of Wales anglais. Le premier sauta et coula très rapidement ; le second, touché, dut rompre le combat. A la suite d'une poursuite acharnée, le Bismarck fut coulé à son tour, après avoir reçu huit torpilles, de nombreuses bombes et subi le pilonnage de plusieurs cuirassés.

Mais dès le moment où une grande guerre navale se développa entre les Etats-Unis et le Japon, dans le Pacifique, tout changea. Le 7 décembre 1941, quatre porte-avions japonais, arrivés à proximité de Pearl Harbor sans avoir été repérés, lancèrent leurs appareils à l'attaque de l'escadre américaine du Pacifique mouillée (à l'exception des porte-avions) dans le port, et contre les batteries et les aérodromes qui auraient pu la protéger. Sur huit cuirassés, deux furent détruits, trois, sérieusement avariés, furent échoués sur le fond et trois, seulement endommagés par bombes, furent réparés dans le mois.
Le repulse
Agrandir Le Repulse
Trois jours plus tard, le Prince of Wales et le Repulse britanniques étaient coulés par l'aviation japonaise sur la côte de Malaisie. Les Etats-Unis, livrant une guerre navale dont dépendait leur avenir, se trouvaient soudain pratiquement privés de cuirassés, alors que leurs ennemis en alignaient douze, dont les deux plus puissants du monde.

La fin des cuirassés en tant que bâtiments de combat

La situation des Etats-Unis semblait désespérée. En fait, le cuirassé avait déjà cessé d'être l'atout essentiel. Il conservait, certes, une valeur comme porteur d'artillerie lourde, mais il ne pouvait plus l'utiliser contre ses semblables, du fait que les combats se livraient désormais par l'intermédiaire des avions embarqués et alors que les escadres se trouvaient encore à 100 ou 150 km l'une de l'autre.
Cette artillerie ne fut guère utilisée, par la suite, que contre la terre. En mer, le cuirassé allait être réduit au rôle de plate-forme de défense anti-aérienne escortant les porte-avions, mais les retardant.
Aussi fut-il progressivement remplacé, même dans cet emploi, par un navire spécialisé, le croiseur anti-aérien, plus rapide et beaucoup moins coûteux.
La bataille de Midway (3-6 juin 1942) a marqué le tournant de la guerre : l'arrêt de l'offensive japonaise et le début de la contre-attaque américaine ont été l'éclatante démonstration de l'effacement du cuirassé. L'escadre américaine de l'amiral Nimitz n'en comportait pas un seul ; il avait en effet renvoyé à San Francisco les trois survivants de Pearl Harbor, car il avait estimé que, trop lents, ils gênaient ses mouvements. L'escadre japonaise de l'amiral Yamamoto, elle, en comptait onze, qui ne servirent à rien. Les Japonais se considérèrent vaincus et firent demi-tour après que leurs quatre grands porte-avions eurent été coulés.
La bataille de Leyte (23-28 octobre 1944) confirma cette tendance. Les Japonais, dans un effort désespéré pour détruire la tête de pont américaine aux Philippines, lancèrent tout ce qui restait de leur flotte à l'attaque, presque sans aviation. Ce furent essentiellement les sous-marins et les avions américains qui la firent échouer. Ils coulèrent en particulier trois cuirassés, dont le Musashi (l'un des deux monstres "incoulables"), qui montra d'ailleurs son extraordinaire résistance car il fallut dix-huit torpilles et quarante bombes au but pour en venir à bout. Son jumeau, le Ramato, périt dans des circonstances analogues, en tentant de secourir l'île d'Okinawa.

Cuirassé Jean Bart
Agrandir Le Jean Bart
La guerre finie, que reste-t-il aux cuirassés ? Avant tout, l'extraordinaire impression de force qu'ils dégagent. On en garde encore quelques-uns comme symboles de puissance, tels le Richelieu et le Jean-Bart en France, le Vanguard (entré en service en 1945) en Angleterre, les Iowa aux Etats-Unis ; on les désarme pour les utiliser comme écoles ou comme casernes flottantes, jusqu'à ce qu'on les vende à la ferraille, leur entretien finissant par être trop onéreux.

Bibliographie

  • Histoire de la marine française, 1934 - Ch. de La Roncière, Cl. Rampal.
  • Bateaux, 1963 - B. Landström.
  • Cent ans de marine de guerre, 1931 - L. Haffner.
  • Navires et marins, de la rame à l'hélice, 1946 - La Roërie, Vivielle.

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